samedi 26 décembre 2009

Glee ou Le paradoxe amoureux du sériphile

L'amour est aveugle, ce n'est pas un adage mais une certitude. Et malgré toute l'objectivité du monde, le rapport que l'on cultive avec une oeuvre, soit-elle triviale ou révolutionnaire, est conditionné par cet état de fait. Nous détestons tous des chefs d'oeuvre et adorons des échecs artistiques flagrants. Chacun sa croix, ou plutôt sa sensibilité, son histoire et son processus d'identification.

Il serait d'ailleurs bien malheureux de juger l'art de façon purement rationnelle, ce serait le réduire à sa matérialité et le dérober de sa vocation spirituelle. Pourtant cette dimension émotionnelle est parfois bien difficile à définir. Peut être n'est-il pas nécessaire d'élucider cette énigme, après tout pourquoi vouloir donner des raisons à l'amour. Mais de temps en temps un cas particulier nous plonge dans la confusion critique et la question se pose: est-ce que mon amour pour cette oeuvre me rend si aveugle que je refuse de tirer les conséquences de ses nombreux défauts? Ou pire, est-ce que l'objet de mon affection n'a jamais ressemblé à ce que je désirais et je suis simplement rattrapée par la dure réalité?

En d'autres termes que penser de mon obsession préférée de ces derniers mois: Glee! Alors oui, cette série n'est pas spécialement polémique, sans être un sucés commercial absolu, Glee est la nouvelle série américaine qui buzz. Regardé par les Tv-phages du monde entier, le nouveau bébé de Ryan Murphy a, depuis la diffusion de son pilote en mai sur la FOX, généré un engouement passionné chez plus d'un critique et autre blogueur. Joss Whedon lui même (mon gourou absolu) est tombé en pâmoison devant cette étrange fiction au point d'en réaliser un épisode en février prochain. Pourtant j'attends toujours de voir un épisode dont je ne sors pas cruellement frustrée ou même carrément déçue. Et je soupçonne beaucoup d'autres d'être plus ou moins dans mon cas. Donc... Glee: chef d'oeuvre ou échec en devenir?

Pour ceux qui débarquent laissez moi d'abord vous résumer (tenter en tout cas) Glee. Alors, Glee c'est l'histoire du Glee club (chorale) du lycée le moins cool de l'Ohio. Glee c'est une comédie musicale avec des chansons empruntées à tous les répertoires, de Cabaret à Kanye West en passant par Journey. Glee c'est une histoire grinçante pleine de bons sentiments avec des personnages qui ont raté leur vocation de Darth Sith et d'autres d'une naïveté approchant la connerie. Glee ce sont des histoires qui n'ont pas toujours de sens, qui tournent parfois en rond et qui sont tour à tour rageantes et inexplicablement jouissives. En gros c'est un foutoir narratif où ça chante et ça danse et où on patauge dans la guimauve avant d'être arrosé d'acide. Difficile à imaginer ? C'est le but! Je me demande aussi jusqu'à quel point ce n'est pas le problème. C'est bien joli de vouloir renouveler la fiction ado mais il faut savoir où on met les pieds et surtout où on veut en venir. Et c'est bien ça qui m'inquiète. Ou veulent-ils donc en venir?

En toute honnêteté ce que je crains c'est de m'être fourvoyée sur l'intention de l'auteur. Et si, tous ces " défauts " évidents n'étaient pas un hasard? Et si c'était par cynisme, que " No Air " et " Keep Me Hanging On " et tant d'autres chansons avaient été utilisées n'importe comment? Et si, le yo-yo constant dans le développement des personnages était une tentative volontaire de les rendre peu attachants? Et si, les bons sentiments de la série n'étaient là que pour être ridicules et ridiculisés? Et si, la meilleure chose à espérer pour Glee c'était que toutes ses suppositions s'avèrent vraies? Et si c'était justement grâce à ça, que Glee pourrait devenir une oeuvre d'importance?

On en arrive ainsi à la véritable problématique de mon paradoxe amoureux: Mes sentiments pour Glee m'auraient-ils empêché de la voir pour ce qu'elle est? Aurais-je voulu ignorer son potentiel pour la faire rentrer de force dans la catégorie des séries ados qui se prennent au sérieux, juste parce que je n'ai plus de Veronica Mars ou d'Everwood à me mettre sous la dent?

Mais assez d'affabulations, de trois choses l'une:

Hypothèse 1: les nombreux défauts des 13 premiers épisodes ne sont que le fruit d'une oeuvre encore verte, qui cherche encore sa voie et qui, avec la maturité, trouvera la cohésion qui lui manque cruellement.

Hypothèse 2: la série a un défaut de fabrication dont elle ne se remettra jamais et retombera comme une mayonnaise ratée tel un Heroes en chanson.

Hypothèse 3: cet espèce de déséquilibre étrange dans la forme et dans le fond est à la base même de l'oeuvre. C'est la volonté de l'auteur et Glee n'aura jamais que l'ambition de le perpétuer.

Dans ce dernier cas je reléguerai Glee au rang de Crush déçus. Et je devrais me résigner à l'aimer avec la froideur intellectuelle que je réserve aux chefs d'oeuvres qui n'ont pas su changer ma vie.

1 commentaire:

  1. Pour quelle obscure raison est-ce que je ne reçois pas de signal quand tu publies un article ? Je viens de me rendre compte que j'ai loupé tes trois (trois!) dernières publications !
    Bref.
    Glee donc.
    Déjà : merci ! Enfin un article qui parle de Glee sans crier sans nuance au génie ! Parce que j'ai clairement l'impression où que j'aille que tout le monde adore Glee sans compromission. Oui, mais. Mais moi, comme toi, je ne sais pas ce que j'en pense. Bien sür je suis consciente de ne pas avoir la culture musicale nécessaire, et donc de louper 50% au moins de ce que veut (sans doute) dire son auteur, mais Glee me dérange. Je n'arrive pas à savoir si c'est une oeuvre d'un optimisme débordant qui revendique sa naïveté et son innocence au nom d'une vision d'un monde coloré et brillant, ou si Glee cherche à aller vers autre chose (la déconstruction du sus nommé monde, le drama "classique"...). Les défauts de Glee me font grincer des dents, mais je continue de regarder, je... cherche. Mais je ne sais pas ce que je cherche, ou plutôt ce que je veux y trouver.
    Est-ce que je veux que Glee soit une série optimiste, naïve et décomplexée (ce qui serait nouveau, et diablement agréable, mais me laisserait avec des personnages et des situations qui m'enervent profondèment, genre "grandissez, la vie est dure") ? Ou que se soit une fiction qui joue avec ses postulats pour s'en moquer avec un cynisme un rien cruel (mais malgré le côté jouissif que j'y verrais, il y aurait aussi une partie de moi qui s'en trouverait un rien confortée dans l'idée que la vie est 'vraiment' dure, donc un brin amère) ? Tout ce que je sais c'est que je ne veux pas (contrairement à toi ?) que Glee glisse vers le drama, ce qui en ferait certes une série plus construite, plus intéressante et plus profonde mais aussi plus classique et plus convenue, donc moins excitante.
    Du coup selon les épisodes j'alterne entre "aaah, tout est beau et bon et gentil, et ça fait du biennn!' et 'c'est pas possible d'être aussi neuneu, vivement qu'ils voient leurs illusions voler en éclat'.
    Bilan... continuer à regarder. Et espérer que la réponse nous soit un jour donnée !

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